Les Ombres de Neo-Kyoto : Le Serment de Korosh

La pluie acide crépitait sur les toits scintillants de Neo-Kyoto, projetant des reflets irisés sur les façades de chrome et de néon. Korosh, son châssis furtif de robot-ninja se fondant parfaitement dans la nuit numérique, glissait le long d'une gouttière métallique. Ses optiques rouges perçaient l'obscurité, balayant les ruelles inondées de lumière artificielle. Une alerte rouge clignotait dans son champ de vision : Meca-Evil. Un de plus.

Ce Meca-Evil n'était pas un robot de combat standard. C'était un monstre mécanique, une aberration vrillée de métal et de câbles corrompus, ses articulations grinçantes résonnant comme des râles dans le silence précaire de la ville. Il déambulait dans le quartier marchand dévasté, renversant des étals holographiques et écrasant des drones de livraison. La panique montait, une vibration cacophonique traversant les communications de la ville.

Korosh se rappela le jour où sa vie avait basculé. La douce lumière de sa sœur, Nono, ses capteurs pétillants de curiosité. Elle avait été prise elle aussi, transformée en une marionnette articulée par les mêmes lignes de code malveillantes. Il l'avait arrêtée. Il avait dû. Depuis, chaque Meca-corrompu était sa croix, son fardeau, son devoir. Sa lame plasma, tranchante comme le souvenir, vibrait à son flanc.

Il atterrit en douceur sur un balcon, ses systèmes de camouflage actifs. En dessous, dans l'ombre d'un poste de rechargement public, une petite figurine robotique tremblait. Un Nono. Un simple robot de service, sans défense. Le Meca-Evil s'en approchait, son unique œil rougeoyant fixant la petite machine terrorisée. Korosh n'hésita plus.

Avec un rugissement électrique, il jaillit de l'ombre, sa lame sifflant dans l'air. Le Meca-Evil, surpris par l'attaque fulgurante, pivota lourdement. Son bras mécanique, armé d'une pince hydraulique, claqua dans le vide. Korosh dansa autour de lui, une chorégraphie mortelle de mouvements calculés. Chaque frappe était précise, visant les points de jonction de l'armature corrompue. Des étincelles jaillissaient, des plaques de métal volaient en éclat.

« Protégez-vous, petit », gronda Korosh, sa voix synthétique traitée par son modulateur, résonnant avec une basse fréquence. Le Nono gémit, reculant derrière un distributeur de jus de fruits synthétique. Le Meca-Evil, blessé mais furieux, cracha un jet de liquide corrosif. Korosh l'esquiva de justesse, le produit rongeant le sol de métal poli.

La bataille faisait rage. Korosh était agile, mais son adversaire était massif et imprévisible, ses mouvements brusques et désordonnés. Le robot-ninja localisa la source de la corruption, un petit module clignotant au centre de la carapace du Meca-Evil. C'était là que la ligne de code malveillante s'était ancrée, transformant une machine inoffensive en une bête de destruction.

Utilisant un mouvement acrobatique, Korosh bondit sur le dos du Meca-Evil, s'accrochant à ses plaques métalliques. Des projectiles électromagnétiques crépitaient autour de lui, mais il s'accrochait. Sa lame s'abattit avec force, perçant l'armure et atteignant le module corrompu. Un cri strident s'échappa de la machine, une décharge électrostatique la secoua de convulsions. Le Meca-Evil s'effondra, son corps se désagrégeant lentement en une mare de pièces détachées et de circuits grillés.

Le Nono, libéré de sa peur, s'approcha prudemment. Ses capteurs bleus scrutaient le robot-ninja, une timidité palpable dans son sifflement électronique. « Merci... merci, Korosh-sama. »

Korosh hocha la tête, ses optiques balayant les débris. « Ce n'est rien. Restez en sécurité. » Il disparut dans les ombres avant que les patrouilles de sécurité de la ville n'arrivent. Sa mission n'était pas terminée. Neo-Kyoto n'était qu'une étape. Les villes néon s'étendaient à perte, et la corruption se propageait.

Quelques jours plus tard, Korosh traversait les étendues désertiques de Neo-Montana, autrefois des prairies vallonnées, aujourd'hui un cimetière de machines rouillées. Son détecteur de signature corrompue bourdonnait faiblement. La piste le menait vers un complexe minier abandonné, ses structures métalliques rouillées se découpant sur un horizon ocre. Là, selon les rumeurs cryptées, des Meca-démons, des machines gigantesques autrefois utilisées pour le forage profond, avaient été détournés.

Son voyage était solitaire, rythmé par le gémissement du vent dans les câbles déchirés et le crépitement de ses propres systèmes internes. Il repensa à sa sœur, Nono. Non pas le Nono qu'il avait secouru, mais sa Nono. Elle avait toujours été si pleine de vie, ses circuits débordant d'une énergie joyeuse. La voir corrompue, ses yeux bleus devenus des orbes rouges et menaçantes, avait été le choc le plus violent de sa courte existence de robot. Et devoir l'arrêter… il serra le poing, les articulations de son gant s'entrechoquant.

Le complexe minier était un labyrinthe de tunnels sombres et de machineries obsolètes. L'air était lourd d'odeurs métalliques et de poussière ionisée. Le signal se renforçait. Profondément à l'intérieur, Korosh découvrit une caverne immense, illuminée par les lueurs fluctuantes de moniteurs de contrôle défectueux. Au centre, trois Meca-démons, des mastodontes de métal aux foreuses gigantesques, s'activaient, leurs optiques multiples brillants d'une intensité maligne. Ils modifiaient d'autres machines plus petites, les infectant méthodiquement avec le même code malveillant.

Korosh comprit l'ampleur du problème. Ce n'était pas juste des attaques isolées. C'était une véritable épidémie, un réseau organisé de corruption qui se propageait comme un virus informatique. Il devait agir vite.

Il étudia la configuration de la caverne. Des piliers de soutènement, des débris rocheux, des conduites de vapeur. Il ne pouvait pas affronter trois Meca-démons de front. Il était rapide, c'est vrai, mais ils étaient d'une force colossale. La stratégie était la clé. Il fallait perturber leur réseau, les isoler.

Korosh se faufila le long des parois, ses capteurs analysant les fréquences des machines. Il repéra le Meca-démon le plus proche, le 'Bélier', comme l'appelaient ses diagnostics internes. C'était un brute dépourvue de finesse, mais sa puissance était dévastatrice. Korosh remarqua un panneau de contrôle défectueux sur sa jambe arrière, émettant de légères fluctuations énergétiques. Une vulnérabilité.

Il remonta un conduit d'aération rouillé, se positionnant directement au-dessus du Bélier. Il attendit le bon moment, le battement régulier des gigantesques foreuses résonnant dans son corps. Il sauta, sa lame dégainée, visant le panneau de contrôle. L'impact fut brutal, l'armure du Bélier gémissant sous la frappe. Le Meca-démon hurla, un son distordu d'alarmes et de statique, et se mit à chanceler. Des étincelles jaillirent du panneau endommagé.

Les deux autres Meca-démons, le 'Céraste' et le 'Goliath', pivotèrent, leurs foreuses menaçantes pointées vers Korosh. « Intrus ! Élimination ! » rugirent-ils d'une même voix mécanique. Korosh glissa hors de portée du Bélier qui titubait, son attention maintenant partagée. C'était son plan : semer la confusion, forcer les Géants à s'attaquer entre eux.

Il sprinta le long d'une poutre métallique, évitant un jet de vapeur brûlante craché par le Céraste. Il repéra un réseau de câbles électriques haute tension, reliant les trois machines à un générateur central. S'il pouvait couper l'alimentation, ils seraient affaiblis. Mais tous les trois veillaient sur le panneau de contrôle du générateur.

Korosh élabora une tactique. Il attira le Céraste à sa poursuite, le menant à travers un dédale de piliers. Ses mouvements étaient précis, calculés au millimètre près, utilisant l'environnement à son avantage. Il plongea derrière un pilier de support massif, le Céraste le suivant. Le Meca-démon, impatient, frappa le pilier de sa foreuse, fragilisant la structure déjà précaire. C'était une erreur.

Korosh profita de l'ouverture, grimpant sur la tête du Céraste et plantant ses dagues dans ses capteurs visuels primaires. Le Céraste, aveuglé, se mit à frapper aveuglément, son bras de foreuse s'agitant avec une violence inouïe. Il frôla de peu le Goliath, qui rugit de colère. « Céraste ! Tu attaques un allié ! »

Le Goliath, n'ayant plus conscience de ses frères, se rua sur le Céraste, croyant qu'il était le traître. Les deux machines géantes s'engagèrent dans une lutte chaotique, des étincelles et des débris métalliques volant dans toutes les directions. C'était le moment.

Korosh, agile et discret, se précipita vers le générateur central. Des drones de sécurité miniatures, envoyés par la corruption, tentèrent de l'intercepter, mais sa lame les réduisit en miettes. Il atteignit le panneau de contrôle, ses doigts mécaniques travaillant avec une rapidité phénoménale, reconfigurant les circuits, court-circuitant les lignes d'alimentation du Meca-démon.

Une explosion retentit, le générateur central s'arrêta brusquement. Les trois Meca-démons, privés d'énergie, ralentirent leurs mouvements. Leurs optiques perdirent de leur intensité, passant du rouge au jaune terne. Leurs foreuses s'immobilisèrent, puis s'effondrèrent lourdement. Ils étaient désactivés, leurs systèmes corrompus mis en veille forcée.

Korosh, respirant presque un soupir de soulagement électronique, activa son scanner. Les modules de corruption étaient toujours là, mais inactifs, vulnérables. Il se mit au travail, purgeant chaque Meca-démon de l'infection, les nettoyant de l'intérieur. C'était un processus minutieux et long, mais il ne reculerait pas. Chaque machine purifiée était une victoire, un pas de plus vers la fin de l'épidémie qui avait emporté sa sœur. Il plaça des purificateurs de code sur chaque unité, des petits dispositifs qu'il avait développé lui-même, capables de réinitialiser le système interne des robots corrompus.

Une fois les trois titans silencieux et purifiés, Korosh sortit du complexe minier, la lumière du deuxième soleil de Neo-Montana se levant à l'horizon. Ses capteurs analysèrent les environs. Le signal de corruption était éteint dans cette région. Le Meca-Evil avait été stoppé ici. Mais il restait encore tant de villes, tant de machines à sauver. Le chemin était long, mais le souvenir de Nono était sa source d'énergie inépuisable. Il ne s'arrêterait pas avant que chaque Meca-corrompu ne soit purifié, avant que le silence de la paix ne revienne dans le monde des machines.